Présentation
Un livre d'histoire qui se lit comme un roman (noir ?), tant les rebondissements sont nombreux et le caractère du personnage principal insaisissable. Car au noir, couleur primordiale s'il en est, le statut de couleur fut contesté. Qu'importe qu'il fût là dès la genèse (des ténèbres surgit la lumière, Fiat lux !), sur les parois des grottes préhistoriques (ornées au charbon de bois), dans le nom même de l'Égypte ancienne (Kemet "terre noire", en référence au limon du Nil, si fertile !)... lorsqu'aux manuscrits polychromes succédèrent les gravures et le livre imprimé, le noir (accompagné du blanc) commença sa mue vers la non-couleur. On a bien cru que Newton allait lui porter le coup de grâce (en découvrant que le noir et le blanc sont absents du spectre). C'était bien mal le connaître. Justement, Noir. Histoire d'une couleur nous donne à mieux connaître cette couleur fascinante.
Définition du vocabulaire peu courant
Informations
La couv' (en haut de la présente page) et les numéros de page (ci-dessus) ne correspondent pas à la même édition de Noir. Histoire d'une couleur..
Les numéros de page correspondent à la version poche (parue chez Points en 2020) :
Éditeur | Points |
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ISBN | 978-2-7578-8705-9 |
Date de parution | 2020 |
Nb pages | 219 |
La couv' correspond à version beau livre (parue chez Seuil en 2000) :
Date de parution | 2008 |
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Éditeur | Seuil |
Auteur | Michel Pastoureau |
Remarques en vrac
- Noir est le deuxième ouvrage - après Bleu - que Michel Pastoureau aura consacré à une couleur. En intro, il s'avance un peu beaucoup en affirmant qu'il ne s'agit pas là des premiers tomes d'une série que viendraient compléter le vert, le rouge, le jaune, le blanc, certaines problématiques étant communes à plusieurs couleurs. Heureusement pour nous, l'histoire lui donnera tort !
- Imaginons un historien du futur étudiant notre époque vestimentaire à partir de magazines de mode, tellement colorés ; qu'elle vision erronée il aurait de notre garde-robe réelle, tellement peu colorée !
- Avant la domestication du feu, et de surcroît avant l'invention de l'électricité (et les pollutions lumineuses propres à notre époque), l'homme vivait davantage au contact de l'obscurité. Il en connaissait de nombreuses nuances. De la peur du noir, l'homme a hérité un attrait pour les couleurs vives.
- Au Moyen Âge, le couple vert/rouge n'est pas perçu comme fortement contrasté, contrairement au couple vert/jaune.
- En latin, deux termes désignaient la couleur noire : ater (noir mat, qui a donné les mots "atroce", "atrabile"...) et niger (noir brillant, qui a donné les mots "négritude", "Nigérien"...), signe que la notion de brillance jouait un rôle très important, parfois plus que celle de coloration. Le français n'a gardé qu'un seul terme : noir (de niger).
- Chez les Germains, on retrouve cette distinction basée sur la brillance. Le noir mat est inquiétant (swart, a donné "schwartz") et s'oppose au noir brillant qui éclaire (blaek, a donné l'anglais black).
- Dans la Rome impériale, le noir a perdu son côté bénéfique (cf le noir égyptien). Il devient mortifère. Certains auteurs s'amusent à rapprocher nox "la nuit", de niger "noir" et noxius "nuisible".
- Le corbeau, animal vénéré chez les uns, diabolisé chez les chrétiens...
- Pour les théologiens de haut niveau, le diable est une divinité, un ange déchu, et son règne prendra fin. Mais pour le commun des mortels, le diable est doté de pouvoirs maléfiques considérables. Rappelons qu'avant le XIIe s., le bleu est également mal vu (proche du noir quand il est foncé, il a servi a représenter des diables).
- En Occident, aux alentours de l'an mil, le noir n'est pas le contraire le plus évident du blanc. La nature ne donne pas souvent à voir d'association noir/blanc (excepté sur la pie). Le vrai contraire du blanc, c'est le rouge.
- Après l'an mil, l'ambivalence du noir (couleur bénéfique (la fertilité) et maléfique (la mort)) tend à disparaître ; seuls les mauvais côtés du noir subsistent. Le noir se fait plus discret. Seuls les moines bénédictins lui restent fidèles. Plus tard, la Réforme protestante en fera sa (non-)couleur de prédilection.
- Un guerre des idées a opposé les défenseurs de la "couleur matière" (un fard destiné à tromper) et ceux de la "couleur lumière" (donc d'origine divine). Pour ces derniers, le noir de l'obscurité s'oppose à la lumière, et donc aux couleurs. Ce type de raisonnement ne concerne pas le blanc, lequel ne se voit pas exclu des couleurs (rappelons qu'à l'époque le blanc n'est pas le contraire le plus évident du noir).
- L'essor des armoiries (avec 6 couleurs de base) fait tomber le noir de son piédestal (cf la triade blanc/rouge/noir, prédominante) ; mais cela lui sera plutôt bénéfique.
Liens externes
- Le noir est une couleur Leçon d'histoire des symboles de M. Pastoureau - Le Monde des livres
- NOIR