Présentation
L'historien Michel Pastoureau nous raconte l'histoire occidentale du jaune.
Jaune, l'histoire du déclin d'une couleur, pourtant quasi sacrée dans l'Antiquité.
Un long déclin que rien n'aura arrêté, pas même la valorisation du jaune par la science, laquelle l'a promu au rang de couleur primaire (de la synthèse soustractive).
Le jaune aura été victime de tous les vices auxquels on l'a associé. Victime aussi de la concurrence de sa propre nuance – prestigieuse – le doré.
Jaune, couleur ô combien paradoxale.
Définition du vocabulaire peu courant
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- Dioxyde de manganèse : composé chimique utilisé comme pigment noir. champ : noir
- n.m. Préhistoire « Période préhistorique de transition entre le Néolithique et l'âge du bronze. » in Wiktionnaire - licence CC 3.0.
- adj. …▼
Informations
La couv' (en haut de la présente page) et les numéros de page (ci-dessus) ne correspondent pas à la même édition de Jaune. Histoire d'une couleur.
Les numéros de page correspondent à la version poche (parue chez Points en 2022) :
Éditeur | Points |
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ISBN | 978-2-7578-9221-3 |
Date de parution | 2022 |
Nb pages | 188 |
La couv' correspond à version beau livre (parue chez Seuil en 2019) :
Date de parution | 2019 |
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Éditeur | Seuil |
Auteur | Michel Pastoureau |
Quelques remarques en vrac
Le jaune compte parmi les plus anciennes couleurs que l'homme a fabriquées pour peindre (notamment grâce à l'ocre).
Comment la couleur, longtemps associée uniquement à un objet matériel (p. ex. une fleur jaune), est-elle devenue une abstraction (p. ex. le jaune) ? La liturgie et l'héraldique ont joué un rôle. Michel Pastoureau rappelle que les premiers codes de couleurs pour les vêtements liturgiques remontent à la naissance des armoiries. Liturgie et héraldique ont cela en commun qu'elles ne connaissent qu'un nombre limité de couleurs (et que les nuances ne comptent pas). Mais l'héraldique prend en compte le jaune. Dans le langage héraldique, on dit "or" pour jaune, ce qui est plutôt prestigieux pour la couleur jaune.
Une même pierre peut avoir différentes colorations. Ainsi, dans les textes anciens, parler d'or n'implique pas forcément la couleur jaune.
L'or a pu être considéré comme une lumière matérialisée, d'essence divine donc, d'où sa présence dans des lieux de culte.
Michel Pastoureau rappelle que l'or a aussi des mauvais aspects. Il symbolise la convoitise, la cupidité etc.
La symbolique du jaune est tardive. Absente de la liturgie, peu mentionnée par les Pères de l'Église et dans la Bible (alors que l'or y est omniprésent).
Toutes les couleurs sont ambivalentes. Mais au Moyen Âge, le jaune n'est associé qu'à des vices, sauf quand il est associé à l'or. Michel Pastoureau avance plusieurs hypothèses pour comprendre ce désamour du jaune. L'une d'elle implique la notion de colère, grave péché selon l'Église et que la médecine d'alors explique par un excès de bile, laquelle est jaune. Or, la bile des animaux, c'est le fiel – il y a un lien phonique évident entre fel (fiel) et felon (cruel, perfide – qui a donné "félon").
Michel Pastoureau se demande dans quelle mesure l'iconographie (p. ex. représenter un traître habillé en jaune) a influencé les usages quotidiens. Force est de constater que si le jaune a pu être volontiers porté par les Toscanes au milieu du XIVe s. (d'après des inventaires de notaires), deux siècles plus tard ce n'est plus le cas, en Toscane et nulle part ailleurs, et ce ne sera plus jamais le cas. L'image de Judas vêtu de jaune a joué un rôle dans la dévalorisation de cette couleur (Michel Pastoureau doute que dans les villes d'Occident les juifs aient souvent porté des habits jaunes ; l'iconographie aurait amplifié le fait que certains juifs portaient la rouelle – insigne jaune discriminatoire). À propos des marques discriminatoires, rappelons qu'au Moyen Âge une partie non négligeable de la population devait en porter : celles et ceux qui exerçaient une profession dangereuse ou déshonnête (bourreau, chirurgien...), les condamnés, les infirmes et bien sûr les non-chrétiens (au premier rang desquels les juifs). Mais les usages varient avec le temps et le lieu. Concernant la prostitution, rappelons que les villes n'ont jamais su trop comment s'y prendre avec les prostituées : faut-il les cacher ou au contraire leur imposer de porter un signe ostensible pour les distinguer des "honnêtes" femmes ?
Pour enfoncer le clou, la couleur jaune aura ensuite subi de plein fouet la chromophobie des réformateurs protestants ; le jaune, une couleur pas assez austère à leur goût.
La réputation négative du jaune explique sa rareté dans l'art, la culture matérielle (habillement, mobilier) et les symboles. Curieusement, cela ne changera jamais, malgré la promotion scientifique du jaune au XVIIe s. Le jaune est l'une des trois couleurs primaires de la synthèse soustractive, avec le bleu (ou cyan) et le rouge (ou magenta).
Michel Pastoureau s'interroge sur l'absence dans la langue du mot "jauneur" (et "bleueur"), alors que les quatre autres couleurs principales ont engendré noirceur, blancheur, rougeur, verdeur. Le jaune et le bleu ont acquis leur statut de couleur plus tard que les autres, ceci explique peut-être cela.
« À partir du XIIIe s., la symbolique du jaune se dégrade fortement et évoque tour à tour l'envie, la jalousie, le mensonge, le déshonneur et la trahison. »
Michel Pastoureau évoque la naissance de la couleur orange (longtemps considérée comme une simple nuance), au Moyen Âge.
Michel Pastoureau rappelle que Van Gogh a souvent été trahi par l'instabilité de la couleur jaune, du moins à cause du pigment qu'il utilisait (le jaune de chrome, moins stable mais meilleur marché que le jaune de cadmium).
Michel Pastoureau rappelle que le beige aura connu une grande promotion au XXe s. (gagnant son statut de couleur à part entière ; il n'est plus une simple nuance), peut-être favorisé par le rejet du jaune. Rejet à la ville seulement, car au sport et à la plage, le jaune prend sa revanche !
Michel Pastoureau rappelle que si le jaune est boudé, c'est seulement en Occident. En Asie, il est très présent sur les vêtements et les étoffes. En Chine, c'était même la couleur impériale.
- JAUNE
- Dico jaune
- 62 mots